De l'Ancien Français
Quelques heures de retard pour ce
post... un amoureux qui arrive hier soir et un mal de gorge qui
s'incruste à ce duo romantique... et puis, l'Ancien Français, ça fait
plus de 500 ans qu'il attend ce post, alors il était pas à quelques
heures près hein...
De l'Ancien Français ou de la difficulté de parler d'un truc à première vue pas folichon folichon...
Entreprise ardue...
Parler
du latin m'aurait été beaucoup plus simple... Rien que pour la langue
elle-même, ses sonorités à la fois mystérieuses et envoûtantes...
L'Ancien Français est aux antipodes de tout cela : l'Ancien Français
est une langue dure, rocailleuse, où chaque lettre se prononce, où le
"r" se roule... Une langue nous portant tout de suite à imaginer les
gueux se battant dans la boue avec une chemise qui gratte (j'aime bien
les Monty Python)...
Même parler de la grammaire moderne m'aurait
été plus facile, avec ses règles bien strictes au sein desquelles se
nichent pourtant tant d'exceptions, étonnantes et déroutantes mais
tellement intéressantes (et puis, c'est quand même la classe de les
maîtriser). L'Ancien Français, quoi qu'en dise ma prof, c'est le
bordel... Vous n'avez plus les 6 cas du latin mais un vague système à
deux cas (cas sujet et cas régime) qui tend vers le système à cas
unique (ou sans cas) du français moderne. Vous n'avez plus les
déclinaisons du latin qui sonnent comme des ritournelles, ni celles,
finalement, assez cadrées du français moderne (becherelle mon ami) mais
des modes qui mêlent héritage latin et apport roman (conditionnel, je
pense à toi), des verbes à plein plein de bases souvent totalement
improbables (question de morphologie : le présent... cauchemard, hein
BlanBlan)... Je réitère, l'Ancien Français, c'est le bordel...
Et le meilleur pour la fin : la phonétique. Evidemment, ce n'est pas de l'Ancien Français stricto sensu mais
mon esprit perverti par l'agrégation tend à réfléchir selon les
modalités du concours... Le phonétique ou l'ami des grands et des
petits ! Imaginez : un samedi 9h, un amphi comateux mais bondé,
un sujet d'ancien français : "Vous expliquez le passage de
Mercede [merkede] à Merci AF [mertsi], FM [meRsi]"... Bah vi tiens,
d'où qu'elles sont passées toutes les lettres ? C'est une très bonne
question, je ne vous remercie pas de me l'avoir posée. Et là, si vous
maitrisez (mais je ne maitrise pas), vous voilà en train de parler de
palatalisation, de spirantisation au VIe, de diphtongaison (au VIe
toujours), de dépalatalisation (au VIIe cette fois), etc. etc... Vous
passez un samedi matin de rêêêêêve...
Vous m'aurez comprise : l'Ancien Français, c'est du barbare en boîte !
Mais,
si vous m'avez bien suivie, vous reconnaitrez (reconnaissons tous en
coeur, yeah !) que l'Ancien Français, c'est passionnant... parce que
c'est le bazar d'une langue en pleine mutation, le chaînon ultime qui
relie le français moderne au latin (ou, plus rarement, au grec)....
Entre
les larmes que vous versez sur de la morphologie, vous comprenez le
pourquoi de la conjugaison de certains verbes un peu bizarres comme
faire, pouvoir ou dire.... Noyé sous les fiches de vocabulaire, vous
trouvez le sens de ce "l'" précédent le "on" quand on parle bien la
France, ou l'explication de cette expression devenue obscure "avoir
maille à partir", ... Plein de petits bonheurs comme ça, qui vous
amènent à constater que la langue est un système logique, complexe mais
compréhensible, malgré quelques petits "accidents" inexplicables (ou
multi-explicables) qui font tout son charme...
L'Ancien Français ou l'éclairage par l'obscur (pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué hein) !
Une
prochaine fois, si le coeur m'en dit, je vous parlerais de la
littérature déconcertante mais ô combien riche de cette époque...
Mais là, j'ai des fiches de syntaxe d'Ancien Français à me coltiner....