Les temps changent...
comme disait ce brave Bob Dylan... et le centre de Malesherbes lui même semble suivre ce bon vieux refrain...
2004, rentrée : j'occupe un poste d'assistante de secrétariat à l'UFR de lettres modernes pour les DEUG 1 et 2
2007, rentrée : j'occupe un poste d'assistante de secrétariat à l'UFR de lettres modernes pour les L1 et L2
il n'y a pas que le nom qui a changé...
De mon vieux temps, quand on essayait de se représenter un étudiant de lettres, on lui mettait invariablement une grosse écharpe en laine, des lunettes et une sacoche en cuir... la fille était dans du négligé calculé (bobo chic, hippy réfléchi) et le gars, dans du négligé tout court...
du genre "je côtoie les hautes sphères de l'existence, je réfléchis au devenir du thème de la femme dans la littérature post moderne, merci de ne pas me déranger et de ne surtout pas m'enquiquiner avec des choses bassement matérielles"...
pas de marques (des réseaux parallèles en fait, savamment choisis), peu de maquillage... un gros bouquin écorné...
moi-même, j'ai une sacoche en cuir, offerte par MPP pour mon bac...
ma famille a offert la même à Amourdoux à Noël... signe de reconnaissance...
j'ai laissé les grosses écharpes en laine mais j'ai quasi toujours un pashima à 5euros dans le Quartier latin sur les épaules..
mon look est assez calculé pour faire croire qu'il ne l'est pas et que je suis les affaires de fille d'assez loin...
et évidemment, je me triture les neurones non pas sur l'évolution de la virgule en latin médiéval (où il n'y avait d'ailleurs pas de virgule mais passons...) mais sur ce brave Claudel ou ce germaniste de Goethe...
j'étais de mon temps...
et mon temps est passé...
les étudiants de lettres modernes se sont transformés en minette !!!!
Depuis la rentrée, un défilé de filles qui veulent avoir l'air d'avoir 25 ans alors qu'elles viennent de passer leur bac... et le fond de teint... et le mascara, l'eye liner, le fard, le sous-fard, le sur-fard, le blush... et les cheveux lissés, frangés, dégradés, savamment coiffés.... et le pantalon moulé, slimmé, foncé... et les ballerines... et le petit haut à l'épaule à rien dégringolante... et le sac Longchamps tellement minuscule que je me demande comment elles font tenir ne serait-ce que leur trousse dedans... alors leur Baudelaire écorné...
je vois la même fille toute la journée...
certes charmante, mais déjà tellement vieille..
tellement dans un autre stéréotype que celui que j'ai connu...
et les étudiants ne sont pas en reste : ce sont des minets maquillés, à la chemise cintrée ouverte sur leur torse encore imberbe...
quelques écharpes en laine se perdent encore... quelques kickers... quelques lecteurs de Baudelaire qui croient, comme tous ceux avant eux, qu'ils sont les seuls à si bien comprendre Les Fleurs du Mal, qu'ils doivent être un peu artistes maudits eux aussi et qu'ils finiront écrivain incompris mais génial.
Ils m'apparaissent alors teintés d'une douce nostalgie...
Je ne dis pas qu'un stéréotype est meilleur que l'autre... tout le monde est dans la pose, bien normale à l'adolescence... et même parfois au delà...
je m'étonne juste que la minetterie publicitaire ait réussi à ce point à pénétrer un monde qui autrefois la critiquait...
je m'étonne de paraître parfois plus jeune et plus innocente que certaines filles que je renseigne dans mon bureau...
quoiqu'à la lecture de ce post, je me sente tout d'un coup bien vieille...